Le Lac aux vélies est un livre d'un autre temps. Calligraphie soignée, papier épais, présentation des annexes à la manière d'un vieux livre de biologie, ce superbe album fascine par son esthétique. Jusqu'ici, le monde du Klokochazia ne nous avait été dévoilé que par la musique singulière de Nosfell, inventeur de cette contrée imaginaire peuplée d'êtres étranges. Cette fois, son histoire est illustrée par un Ludovic Debeurme dont la minutie, proche de la gravure, et le sens du détail maniaque, emprunt de folie, collent parfaitement avec l'univers fiévreux de Nosfell. Corps déformés, formes hybrides, monstres à l'humanité troublante, l'univers graphique de Debeurme, viscéral, dans la lignée du Grand Autre, impose son magnétisme, et donne à chacune de ces pages le goût d'une exploration aussi excitante qu'inquiétante. A l'image du parfum suranné de l'ouvrage, le conte des deux compères renoue avec la noirceur et la cruauté des histoires des frères Grimm. Le disque qui accompagne l'album, mélange d'ancien titres de Nosfell réorchestrés et de morceaux inédits enregistrés avec un orchestre philharmonique, confère une nouvelle dimension aux mélodies de l'insaisissable chanteur. Plus lyriques, plus grandiloquentes, les compositions ne perdent pourtant rien de la fragilité et de la créativité foisonnante de Nosfell. Un ouvrage enchanteur, fruit de la rencontre de deux artistes indéniablement faits l'un pour l'autre. (Mikaël Demets / evene.fr)