Raozy Pellerin écrit les attentes interminables, la brutalité des rendez-vous, l'incongruité des psychiatres pour qui tente d'obtenir le précieux statut de réfugié. Sous sa plume, Bibiche incarne la douloureuse expérience du rejet et de la perte d'identité. " - ; Vous voyez, moi quand je relis votre entretien, je suis à moitié convaincue. Ca manque de précision. On a envie d'en savoir plus sur vous. De comprendre pourquoi, vous, Bibiche ? " Bibiche fouilla dans sa mémoire. C'était bien le paradoxe de toutes ces démarches. Alors qu'elle était venue en France pour oublier, on lui demandait constamment de tout se remémorer. Promis, elle ne pleura pas. Elle parlera d'elle. Elle, c'est Bibiche. Que peut-elle ajouter ? Dire que, non elle n'est pas venue sur une barque de fortune, entassée parmi des dizaines d'hommes et de femmes. Elle n'a pas failli se noyer en attendant que des garde-côtes la sortent de l'eau. Elle n'a pas fui une zone de guerre. Non, elle vient de la République Démocratique du Congo. Elle n'est pas menacée par le M23 ou par les troupes de Lubanga. Elle est tout simplement originaire de Kinshasa. Elle est divorcée, a trente ans et n'a pas d'enfant. Son histoire ne mérite sans doute pas l'attention. Pas assez dramatique. Pas assez spectaculaire. Cette histoire, il faut pourtant qu'elle tente de la raconter pour obtenir son statut de réfugié, et prouver à la France qu'elle mérite de reprendre le cours de sa vie. Anonyme sous les boucles de sa perruque et un sourire vacillant, Bibiche va devoir faire face à l'âpreté de sa nouvelle vie et la froideur d'une administration française qui teste jusqu'à sa volonté de survivre.