L'|homme contre le loup
Longtemps la lutte contre le loup a été vécue comme un baromètre du progrès de la civilisation. Le loup a bien été le seul animal sauvage à susciter chez l’homme autant d’énergie pour le réguler. Depuis les lois de Solon au VIe siècle avant J.-C., les sociétés ont forgé une réglementation spécifique pour le contenir, le pourchasser, puis l’exterminer. En vue de s’en protéger, les pouvoirs publics ont mis en place un arsenal répressif sans équivalent. Ils lui ont même dédié une institution, qui prétend remonter à l’an 800 et qui subsiste toujours : la louveterie.
Mais le loup est aussi l’un des rares animaux à avoir suscité autant de dissensions. Reconnu comme ennemi public de la société, il a fait l’objet de statuts dérogatoires. Alors que la chasse était réservée aux privilégiés, le danger causé par le canidé a occasionné des exceptions à l’interdiction du port d’armes. Contre lui les autorités ont organisé des battues. Autour du loup se sont cristallisées des rancœurs sociales, qui reflètent des antagonismes dans les modes de vie et d’occupation de l’espace. Aujourd’hui, le passage au statut d’animal protégé n’a pas réglé le conflit sans fin qui oppose l’homme et le loup. Il a même ravivé les tensions depuis son retour naturel en France en 1992. Dans ce contexte passionnel, le sens des réalités et l’ouverture d’esprit imposent des compromis. En retraçant un conflit de plus de deux mille ans, l’auteur offre une synthèse de référence pour contribuer à un débat d’actualité.
Professeur à l’Université de Caen et président de l’Association d’histoire des sociétés rurales, Jean-Marc Moriceau est spécialiste de l’histoire des campagnes. Membre de l’Institut universitaire de France, il conduit une enquête européenne sur les relations entre l’homme et le loup. Il a publié notamment Terres mouvantes. Les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation (Fayard, 2002), Histoire du méchant loup. 3000 attaques sur l’homme en France, XVe-XXe siècle (Fayard, 2007)et La Bête du Gévaudan, 1764-1767 (Larousse, 2008). Il vient de faire paraître, avec Philippe Madeline, Un paysan et son univers de la guerre au marché commun (Belin, 2010) et Repenser le sauvage grâce au retour du loup (Presses universitaires de Caen, 2010).