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Jardins en peinture

Buttner, Nils (1967-....) Auteur du texte
Année de parution :
2008
1 vol. (238 p.) : ill. en coul., jaquette ill. en coul. : 31 cm
Le jardin, comme le tableau, est par essence composition de formes, de couleurs et de lumières, cadrage d'une nature reconstruite, artifice, trompe-l'œil : " une harmonie parallèle à la nature ", selon la sobre définition de Cézanne que cite l'auteur. Ainsi le " jardin d'eau " de Monet, à Giverny, transposé dans les Nymphéas de l'Orangerie, acquiert " l'illusion d'un tout sans fin, d'une onde sans horizon et sans rivage ", l'expansion des choses infinies rêvée par Baudelaire. La représentation des jardins en peinture, loin d'être un genre anecdotique et pittoresque, touche au plus profond de la sensibilité humaine, comme le nu, les symboles hédonistes de la mythologie, les vanités, les images de la spiritualité chrétienne, archétypes fondateurs auxquels la peinture de jardins est si souvent associée. Sur les murs de Pompéi, le jardin figure en trompe-l'œil le " lieu de l'agrément ", locus amoenus, image édénique des champs Elysées où séjournent les Bienheureux, et royaume de Vénus. Au fil du temps, cette vision paradisiaque du " jardin d'amour " connaîtra d'infinies variations, depuis les mosaïques du mausolée de Gallia Placidia à Ravenne, le Roman de la Rose et le Songe de Poliphile, jusqu'à l'Improvisation 27 de Kandinsky ! Le lecteur est invité - s'en plaindra-t-il ? - à toucher l'orgue pour la Vénus de Titien, à épier la Suzanne de Tintoret ; il entre avec Cranach dans la ronde de L'Âge d'or, célèbre la Fête galante de Watteau et les plaisirs de l'escarpolette selon Fragonard. Mais le jardin revêt aussi un caractère sacré. Sur la carte du monde du cloître d'Ebstorf (ca. 1300), l'Eden est situé au nord de Jérusalem, centre de l'univers, qu'ailleurs il symbolise. Le jardin est le lieu clos, hortus conclusus du Cantique des Cantiques, qui devient métaphore de la virginité mariale, avec les attributs qui l'accompagnent, la rose, le lis de la royale Trinité, la licorne de l'Immaculée Conception (voir la Madonne à la fontaine de Van Eyck, la Vierge au rosier de Lochner, la Chasse mystique de Schongauer). Il est le cadre du péché originel, le calice de la Passion du Christ (Botticelli), le lieu ultime du Jugement dernier (Fra Angelico). La peinture des jardins, progressivement affranchie des références allégoriques et symboliques - si présentes, toutefois, chez Friedrich et les nazaréens comme chez les préraphaélites - s'attachera au concret de la chose même et à la sensualité de l'impression : Jardins de pommiers du père Courbet, Partie de croquet de Winslow Homer, Chemin de jardin aux poulets de Klimt illustrent la veine naturaliste dont le modeste héros, Candide et Biedermann réunis, est L'Ami des fleurs de Cari Spitzweg. Puis c'est l'éclatement, l'enivrante profusion des Monet, Renoir, Pissaro, Manet, Bonnard, Matisse, Van Gogh, Gauguin, Kirchner, Paul Klee... Histoire de la représentation picturale vue à travers le prisme du jardin - microcosme et condensé de désirs -, le livre est, selon le vœu de Pétrarque, la plus délicieuse des " promenades parmi les paysages de l'âme ".