Tocqueville a tout fait pour persuader son lecteur que ces "souvenirs" n'avaient d'autres intérêts que de lui procurer du délassement. Ce plaisir qu'il prend à se remémorer les évènements de son temps, à peindre ses contemporains et à se peindre lui-même, comme acteur et comme témoin, il se le réserve à lui seul. Mais on ne peut que partager ce plaisir : on découvre l'acuité de son regard et son don à capter et à faire sentir en quelques mots le caractère d'un personnage à travers un geste, ou une posture. Ces portraits surprennent de la part d'un écrivain dont l'oeuvre politique ne laissait pas soupçonner l'ironie et la virulence. Et sa cruauté s'exerce en premier contre à l'égard de la classe moyenne qu'il nomme tantôt "bourgeoisie", tantôt "classe gouvernementale" et qui domine tout sous la Monarchie de Juillet. (Préface de Claude Lefort)