Emmanuel Carrère signe un portrait du Russe Edouard Limonov, fondateur, dans sa mère patrie, du Parti national-bolchévique, le "nasbol", un parti extèmiste dont l'idéologie emprunte au fascisme et à l'extrême gauche. Limonov, de son vrai nom Edouard Savenko, est le fils d'un officier du NKVD (un des avatars de la police politique, alias Tchéka, GPU, KGB, aujourd'hui FSB) et d'une mère qui le menait à la trique. Il ne rêvait que d'une chose : sortir de son trou ukrainien. Il veut être grand écrivain et voyou. Il se choisit donc le pseudo de Limonov en référence à "limon", pour l'acidité et à "limonka", la grenade qu'on dégoupille, pour la violence. Emmanuel Carrère, avec une clarté d'écriture non dénuée d'ironie, montre un ressort psychologique très fort chez ce personnage : la paranoïa de l'usurpation (qu'un autre, forcément médiocre, vous pique la place). L'histoire de cet antihéros est fondu dans une immense fresque géopolitique russe qui se déploie depuis la fin du stalinisme à Poutine, en passant par la perestroïka de Gorbatchev. (Livres hebdo)