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La Loi du sang : Penser et agir en nazi

Chapoutot, Johann , null, null
Année de parution :
2014
567 p. : 23 cm
Il y a eu des historiens pour s’interroger sur le pourquoi du nazisme, d’autre sur le comment du nazisme, mais rares ceux qui ont tenté les deux afin d’en démonter la mécanique. Johann Chapoutot, germaniste français né en 1978, l’un des plus brillants historiens de sa génération, en est. Si publier une somme dans la prestigieuse collection de Pierre Nora "Bibliothèque des histoires" est une consécration pour un universitaire. L’immense mérite du livre de Johann Chapoutot, certes après quelques autres mais plus rares qu’on ne le croit est de montrer que le nazisme, loin d’être un délirant fatras de crétineries, a développé une intelligence qui lui était propre : de l’Histoire, de l’homme dans le temps, de la crise de la modernité. Encore fallait-il se donner la peine de chercher les textes, de les analyser alors qu’ils ont souvent été méprisés et, partant, ignorés, autant dire : les prendre au sérieux. Pour rendre le phénomène intelligible, Chapoutot n’a pas hésité à puiser dans l’immense, et peu étudiée, littérature grise, juridique et théorique (d’ordinaire, les historiens n’aiment guère s’y frotter), produite par les penseurs du nazisme (sa bibliographie compte plus d’un millier de titres, et sa filmographie, une cinquantaine). Des juristes bien sûr, mais aussi des anthropologues, des sociologues, des médecins, des philosophes. Leurs sources sont très anciennes puisqu’elles se nourrissent au Platon de la République et au Tacite de Germania. Ils prétendent à la rationalité scientifique, croient incarner la victoire de la raison sur la déraison. C’est tout le mérite du travail de Johann Chapoutot, non seulement de prendre les textes des nationaux-socialistes au sérieux, qu’il s’agisse des postulats, des raisonnements, des concepts, mais encore de rappeler, et dans certains cas de révéler, que derrière l’esthétique nazie (parades, défilés, architecture, prestations de serment en masse etc), il y avait bien une éthique, une conscience, des valeurs, une logique, une moralité du mal, toutes choses constitutives d’une nouvelle normativité. Qui s’abstient de les analyser dans la volonté de comprendre le déploiement de la violence criminelle nazie, se condamne à une vision superficielle du phénomène. (La République des livres)